Les secrets du « puzzle taquin »

Puzzle taquin 4×4 avec case vide en bas à droite, tuiles pastel numérotées sur table en bois.

Résumé :

Le puzzle taquin (ou 15-puzzle) est un jeu de glissement : des tuiles coulissent dans une grille où une case reste vide. On vise l’ordre final (1 à 15, ligne par ligne) en déplaçant toujours une tuile adjacente au vide. Né à la fin du XIXᵉ siècle, il a provoqué une véritable fièvre en 1880, longtemps attribuée à tort au célèbre Sam Loyd ; aujourd’hui, l’inventeur retenu est Noyes Palmer Chapman. Côté mathématiques, une idée élégante de parité explique pourquoi exactement la moitié des configurations sont insolubles. Le taquin existe en formats 3×3, 4×4, 5×5, en version numérotée ou illustrée, sur écran comme en PDF à imprimer.

Qu’est-ce que le taquin, exactement ?

Le taquin est un puzzle coulissant : dans une grille (souvent 4×4), 15 tuiles occupent 15 cases et laissent un vide. À chaque coup, on fait glisser une tuile voisine du vide pour l’y placer ; la case vide “se déplace”, ouvrant un nouveau coup. Le but classique est l’ordre croissant (1 à 15) en lecture ligne par ligne, avec la case vide en bas à droite. Les variantes proches sont l’8-puzzle (3×3) et le 24-puzzle (5×5).

Aux origines : la “fièvre du taquin” (1880)

La popularité du jeu explose début 1880 aux États-Unis, puis en Europe : on en fabrique partout, on publie des annonces et même des défis dotés de récompenses. Pendant longtemps, l’histoire a prêté l’invention à Sam Loyd, maître des énigmes. Les recherches historiques montrent qu’il n’en est pas l’inventeur ; il a revendiqué la paternité plus tard, à partir des années 1890. L’auteur aujourd’hui crédité est Noyes Palmer Chapman, maître de poste à Canastota (NY), qui tente un dépôt de brevet en février 1880 pour son “Block Solitaire Puzzle”.

Variantes et proches cousins

Pourquoi l’erreur a persisté ?
Loyd a popularisé une position “défi” — inverser 14 et 15 — en offrant un prix : elle est devenue célèbre… mais insoluble (voir plus bas la raison mathématique). Ce coup de projecteur a nourri la légende.

  • Tailles : 3×3 (8-puzzle), 4×4 (15-puzzle), 5×5 (24-puzzle) — la famille générale est le n-puzzle. Wikipédia
  • Représentation : tuiles numérotées (claires pour l’apprentissage) ou illustrées (recomposer une image). Version numérique (web/app) et papier (à imprimer, découper). Wikipédia
  • Cousins : autres puzzles coulissants comme Klotski (blocs de tailles différentes), qui partagent l’idée de glissement mais pas la même mécanique de parité.

Pourquoi la moitié des configurations sont “impossibles”

En 1879, Johnson et Story montrent que les positions du taquin se divisent en deux classes que les coups légaux ne peuvent pas faire communiquer. Intuition : chaque glissement conserve une parité (un invariant combinant l’ordre des tuiles et la position de la case vide). Résultat : exactement la moitié des dispositions sont insolubles, l’autre moitié solubles. En particulier, si le vide est en bas à droite, la configuration n’est résoluble que si la permutation des tuiles est paire — d’où l’impossibilité de la fameuse position “14–15 inversées”.

Une image mentale pour l’expliquer aux enfants

Imaginez que l’ordre des tuiles soit une danse : chaque mouvement autorisé fait “changer de place” deux éléments et bouger le vide d’une case — au total, la parité de l’ensemble ne change jamais. Si vous partez d’une danse “paire”, vous ne pourrez pas obtenir une “danse impaire” sans tricher ; certaines figures finales restent donc hors d’atteinte. (C’est tout l’intérêt d’un invariant : il ne bouge pas quand on joue correctement.)

Ce que le taquin entraîne réellement

Au-delà du “divertissement”, le taquin mobilise des compétences utiles :

  • Planification : prévoir un petit plan de 2–3 coups plutôt qu’avancer au hasard ;
  • Repérage spatial : “lire” lignes cibles et colonnes cibles ;
  • Inhibition : renoncer à un coup séduisant qui “casse” une ligne déjà rangée ;
  • Évaluation simple : la distance de Manhattan (somme des pas horizontaux/verticaux pour chaque tuile jusqu’à sa place) donne un thermomètre de progrès — si elle baisse en moyenne, vous allez dans le bon sens.

Jouer aujourd’hui : écran, papier, ou les deux

  • En ligne : pratique pour s’entraîner à la méthode “ligne du haut → colonne de gauche”, tester des cycles de 4 mouvements (faire tourner trois tuiles sans casser la ligne), et observer l’effet de chaque coup.
  • À imprimer : une feuille A4 avec tuiles à découper suffit ; pour faciliter le glissement, placez la grille sous une chemise plastique (effet “tableau blanc”). Démarrez en 3×3 avec les plus jeunes, passez au 4×4 pour un vrai défi.

Conclusion

Le taquin combine histoire, élégance mathématique et plaisir de manipulation. Comprendre l’invariant de parité change la façon de jouer : on cesse de “forcer” l’impossible et on se concentre sur des micro-objectifs (une ligne, puis une colonne). Que vous préfériez l’écran ou le papier, l’essentiel est d’observer ce qui change… et ce qui ne change pas.

À découvrir sur Toupty : des puzzles taquins en ligne simples pour les enfants.

Sources

  • 15 puzzle — histoire, définitions, solvabilité (parité, distance de Manhattan, mythe Sam Loyd) — synthèse encyclopédique et bibliographie. Wikipédia
  • Brady (Univ. Oklahoma) — fiche pédagogique sur la preuve de Johnson & Story (1879) et l’invariant de parité. math.ou.edu
  • Archer (CMU) — notes de cours : conséquences “pair/impair” et panorama de variantes. École d’informatique CMU
  • Richeson (DivisbyZero) — billet historique sur N. P. Chapman et la fausse attribution à Sam Loyd. David Richeson: Division by Zero
  • Klotski / puzzles coulissants — repères sur le cousinage (blocs de tailles multiples).