Début octobre, la nouvelle est tombée : le prix Nobel de physique 2025 a été attribué à trois chercheurs, dont un physicien franco-américain, Michel Devoret. Leur point commun ? Ils ont réussi à montrer que les étrangetés du monde quantique ne sont pas seulement des histoires de particules invisibles, mais qu’on peut les faire apparaître dans de vrais circuits électriques fabriqués par l’être humain.
Dit autrement : ce qui se passe à l’échelle des atomes commence à se rapprocher, un peu, de notre monde de tous les jours.
Un prix Nobel, c’est quoi exactement ?
Les prix Nobel, on en entend parler chaque année, mais ce n’est pas toujours clair.
À l’origine, il y a Alfred Nobel, l’inventeur de la dynamite. Dans son testament, il décide que sa fortune servira à récompenser des personnes qui ont rendu de grands services à l’humanité. Depuis, chaque année, des prix sont attribués en physique, chimie, médecine, littérature, paix et économie.
Recevoir un prix Nobel, ce n’est pas seulement avoir une médaille en plus sur l’étagère. C’est une façon de dire au monde entier :
« Ce travail a changé notre manière de comprendre quelque chose d’important. »
En 2025, ce quelque chose d’important, c’est une nouvelle façon de rendre visibles les effets de la mécanique quantique.
Un avant-goût de mécanique quantique
La mécanique quantique, c’est la théorie qui décrit le monde des très, très petites choses : électrons, atomes, particules de lumière…
Et dans ce monde-là, les règles semblent parfois écrites à l’envers :
- Superposition (quand un système peut être dans plusieurs états à la fois)
Une particule peut être dans plusieurs états en même temps tant qu’on ne la regarde pas : un peu ici et un peu là-bas, un peu 0 et un peu 1.
On n’est plus obligé de choisir « pile » ou « face » : c’est comme si la pièce était pile et face en même temps… jusqu’au moment où on la regarde 🤔. - Intrication (genre de « liaison profonde » entre deux particules)
Deux particules peuvent devenir liées de façon très forte.
Si on mesure l’une, on sait instantanément ce que donnera la mesure de l’autre, même si elles sont très éloignées.
Einstein trouvait ça tellement bizarre qu’il parlait de « fantômes » agissant à distance. - Chat de Schrödinger (une expérience imaginaire pour montrer à quel point c’est étrange)
Le physicien Erwin Schrödinger a imaginé un chat enfermé dans une boîte reliée à un dispositif quantique.
Tant qu’on ne regarde pas dans la boîte, la théorie dit que le système est dans une superposition : « le chat est à la fois vivant et mort 😲 ».
Personne ne fait vraiment cette expérience avec un vrai chat, mais l’image montre à quel point la logique quantique se heurte à notre bon sens. - Effet tunnel (capacité à « traverser » un obstacle)
Imagine un joueur de golf qui doit envoyer la balle dans le trou, mais il y a un petit monticule entre les deux.
Dans le monde classique, si la balle n’a pas assez de force, elle monte un peu sur la bosse… puis revient vers le joueur : elle ne passe pas.
Dans le monde quantique, cette même balle imaginaire aurait une petite chance de se retrouver directement de l’autre côté du monticule, comme si elle l’avait traversé sans le creuser.
Cette « triche » quantique joue un rôle important dans de nombreux phénomènes physiques… et même dans le fonctionnement de certaines puces électroniques modernes. - Un univers incertain, mais pas au hasard complet
La mécanique quantique ne permet pas toujours de prédire exactement ce qui va arriver, mais elle permet de calculer avec quelle probabilité tel ou tel résultat se produira.
Ce n’est pas un désordre total : c’est un univers où le hasard lui-même obéit à des lois très précises.
Ce qui époustoufle les scientifiques depuis plus d’un siècle, c’est que toutes ces bizarreries ne sont pas des histoires de science-fiction : elles ont été testées, re-testées, vérifiées dans des expériences toujours plus fines. Elles décrivent vraiment la façon dont la matière et la lumière se comportent à l’échelle microscopique.

De la théorie aux circuits : ce que montre le prix Nobel 2025
Pendant longtemps, ces comportements quantiques étaient observés dans des dispositifs minuscules, très délicats, loin de nos objets du quotidien.
Le travail de Michel Devoret et de ses collègues consiste justement à faire le pont entre ces deux mondes. Leur idée : fabriquer des circuits électriques spéciaux, refroidis à des températures très basses, dans lesquels les règles bizarres de la mécanique quantique ne se produisent plus seulement dans un atome isolé, mais dans un petit circuit gravé sur une puce, que l’on peut brancher, mesurer, manipuler.
Ces circuits deviennent alors des sortes d’« atomes artificiels » :
- ils n’acceptent que certaines valeurs d’énergie, comme des marches d’escalier ;
- ils peuvent être dans plusieurs états à la fois, comme un qubit d’ordinateur quantique (un « bit quantique » qui peut être à la fois 0 et 1 tant qu’on ne le mesure pas) ;
- ils permettent de tester des idées de la mécanique quantique d’une manière beaucoup plus contrôlée qu’avant.
C’est ce type de briques qui sert aujourd’hui de base :
- aux prototypes d’ordinateurs quantiques (des machines qui pourraient résoudre certains problèmes très difficiles pour les ordinateurs classiques) ;
- et aux capteurs quantiques (des instruments capables de mesurer des signaux extrêmement faibles avec une précision inédite).
Pas besoin de tout comprendre dans le détail pour saisir l’essentiel :
grâce à ce type de recherches, la mécanique quantique n’est plus seulement une théorie abstraite : elle devient une boîte à outils pour fabriquer des objets bien réels.
Un bon moment pour ouvrir la porte du monde quantique
Ce prix Nobel 2025 est une belle occasion de rappeler que :
- la science ne se limite pas à des formules incompréhensibles : elle expérimente, teste, construit ;
- des idées qui semblaient complètement farfelues il y a un siècle (particules en plusieurs états, intrication, tunnels invisibles…) sont aujourd’hui au cœur de projets très concrets ;
- il est possible d’en parler avec les enfants et les adolescents sans tout dire d’un coup, mais en commençant par des images qui font réfléchir.
Sur Toupty : un dossier mécanique quantique en préparation
Cet article n’est qu’un premier pas.
Dans les prochaines semaines, nous préparerons un dossier complet sur la mécanique quantique, pensé pour être lu :
- par les parents qui veulent enfin comprendre ce qui se cache derrière ce mot qu’on voit partout ;
- et par les jeunes curieux qui se demandent comment fonctionne vraiment le monde à l’échelle des atomes.
Nous y parlerons :
- d’ondes et de particules ;
- d’expériences étonnantes (double fente, chat de Schrödinger, intrication…) ;
- et du lien entre ces idées et les technologies qui arrivent (ordinateurs quantiques, capteurs, communications).
En attendant, le prix Nobel 2025 nous rappelle une chose simple :
derrière les mots compliqués se cachent souvent des histoires passionnantes, et il n’est jamais trop tôt pour commencer à les explorer.

