« Je suis nul en maths. » Beaucoup d’enfants de primaire et de collégiens finissent par prononcer cette phrase… et beaucoup de parents se la répètent aussi intérieurement. Mauvaises notes, devoirs qui tournent au conflit, exercices incompréhensibles : les mathématiques cristallisent souvent l’angoisse scolaire. Avant de chercher plus de travail, un professeur particulier ou des jeux de calcul, une question clé s’impose : d’où vient vraiment la difficulté ? Un parent n’a pas à se transformer en professeur de maths : son rôle n’est pas de tout régler seul, mais de mieux comprendre ce qui se passe et de chercher, si besoin, les bons relais.
Quand « nul en maths » devient une étiquette
À force de remarques et de comparaisons entre frères et sœurs ou camarades de classe, un enfant ou un ado peut finir par se définir lui-même :
« De toute façon, moi, je suis nul en maths. »
Ce n’est plus seulement un commentaire sur une matière : c’est une étiquette qui touche à l’image de soi. Du côté des adultes, ce n’est pas simple non plus : certains gardent de mauvais souvenirs de leurs propres cours de maths, d’autres ont l’impression d’avoir « tout essayé » (refaire les exercices, expliquer autrement, menacer, promettre des récompenses…) sans voir de changement.
Un premier pas consiste déjà à changer de phrase :
non pas « mon enfant est nul en maths »,
mais « en ce moment, il est en difficulté en maths ».
Cette nuance ouvre la porte à l’idée qu’une difficulté peut évoluer… à condition d’en comprendre la source.
Et si le problème n’était pas le « cerveau de maths » ?
On entend souvent dire que certains élèves « ont la bosse des maths » et que d’autres « n’ont pas le cerveau pour ça ». Pourtant, pour ce qui est attendu à l’école primaire et au collège (opérations, fractions, problèmes, proportionnalité, etc.), la grande majorité des enfants disposent d’un potentiel suffisant pour comprendre les notions de base.
Ce qui fait ensuite la différence, ce sont surtout les expériences qu’ils vivent : premiers succès ou premiers échecs, ambiance autour des devoirs, réactions des adultes, confiance accordée, fatigue, contexte familial… Comme pour la musique, le sport ou le dessin, certains semblent plus à l’aise spontanément ou vont plus vite. Mais cela ne signifie pas que les autres sont condamnés à rester perdus. Parler de « facilités » ou de « préférences » est souvent plus juste que parler de « vrai cerveau de maths » ou de « cas désespéré ».
Étape 1 : identifier d’où vient la difficulté
Dire « il est nul en maths » mélange souvent des difficultés très différentes. Pour pouvoir aider, il est utile de se demander, avec l’enfant et éventuellement avec l’enseignant : qu’est-ce qui bloque exactement ?
Quelques sources fréquentes :
- Lenteur
L’élève comprend, mais plus lentement que les autres. Il finit rarement les exercices à temps, se sent toujours « à la traîne » et en conclut qu’il est nul, alors qu’il a surtout besoin de temps et d’entraînement. - Bases fragiles
Numération, tables d’addition ou de multiplication, techniques de calcul posé, sens des fractions… Si ces briques ne sont pas solides, chaque nouvelle leçon repose sur du sable. - Vocabulaire et consignes
Les phrases des problèmes le perdent : « plus que », « de moins que », « la moitié de », « au total », « proportionnel à »… Le problème n’est pas la logique pure, mais le langage scolaire. - Peur de se tromper
Il comprend mais n’ose pas se lancer, efface beaucoup, attend de vérifier, panique en évaluation. L’erreur est vécue comme une catastrophe, pas comme une étape normale de l’apprentissage. - Précipitation / manque de méthode
À l’inverse, certains élèves vont très vite, lisent mal la consigne, ne se relisent pas. Les capacités sont là, mais la méthode, l’organisation et la concentration font défaut. - Relation à l’école ou au travail scolaire
Conflits avec un enseignant, tensions autour des devoirs, fatigue, surcharge d’activités, contexte familial compliqué… Les maths deviennent parfois le lieu où tout cela se cristallise. - Difficultés spécifiques
Parfois, des troubles (dyscalculie, troubles de l’attention, etc.) peuvent être en jeu : ils méritent d’être évoqués avec l’enseignant, puis, si besoin, avec un professionnel.
L’essentiel est de passer du flou au plus précis possible : « il est nul » → « il est très lent », « il ne comprend pas les consignes de problèmes », « il ne connaît pas ses tables », « il n’écrit rien en contrôle », etc. C’est cette précision qui permet ensuite d’agir.
Étape 2 : agir en fonction de ce qui bloque
Une fois la source repérée, les pistes d’aide deviennent plus ciblées :
- Si le problème est la lenteur : proposer de petits exercices courts, des séries limitées dans le temps, du calcul mental sous forme de jeu, sans pression de note.
- Si les bases sont fragiles : accepter de « redescendre d’un niveau », reprendre la numération, les tables, les techniques de calcul, avec des objets, des cartes, des dominos, des jeux en ligne adaptés.
- Si c’est le vocabulaire : travailler uniquement les mots des consignes, les reformuler ensemble, créer des petits exemples concrets (« plus que », « de moins que », « au total », « si on partage en parts égales »…).
- Si la peur de se tromper domine : autoriser un brouillon, limiter le nombre de fautes corrigées par exercice, valoriser la démarche plutôt que le résultat parfait, rappeler que l’évaluation n’est pas un jugement de personne.
- Si c’est la méthode / la précipitation : instaurer un petit rituel : lire la consigne à voix haute, souligner les données importantes, entourer la question posée, se relire rapidement avant de rendre.
Les jeux de nombres, de logique, les défis de calcul et les activités comme celles proposées sur Toupty (numération, additions, soustractions, calcul mental, etc.) peuvent alors être choisis en lien direct avec ce qui coince, et pas juste « pour faire plus de maths ».
Concrètement, par où commencer cette semaine ?
Pour éviter de tout vouloir changer d’un coup, on peut se fixer un mini plan très simple :
- Choisir une seule difficulté prioritaire (par exemple : les tables de multiplication, ou la compréhension des consignes de problèmes).
- En parler calmement avec l’enfant : « Pour l’instant, on va surtout travailler ça, pas tout en même temps. »
- Prévoir 3 moments très courts dans la semaine (5 à 10 minutes) autour de ce point précis, plutôt qu’une longue séance épuisante.
- En fin de semaine, regarder ensemble ce qui est un peu plus facile, même si le progrès est modeste, et le souligner.
L’objectif n’est pas de rattraper tout le programme, mais de montrer à l’enfant que sa difficulté peut bouger, pas à pas.
Votre enfant fait déjà des maths… même sans cahier
On oublie facilement que les maths ne se résument pas aux contrôles. Elles sont présentes partout :
- peser ou mesurer pour une recette,
- partager un gâteau ou des parts de pizza,
- compter des points dans un jeu de cartes,
- lire l’heure ou un planning,
- comparer des prix, des distances, des temps de trajet.
Montrer à l’enfant ou au jeune ado ces moments où il raisonne, estime, compare, calcule, sans devoir ni note, peut l’aider à sortir de l’étiquette :
« Tu vois, là aussi, tu fais des maths. Tu n’es pas nul, tu es en train d’apprendre. »
Quand demander de l’aide extérieure ?
Si, malgré ces ajustements, les tensions restent fortes (notes qui chutent, crises à chaque devoir, blocage total devant certaines notions), il peut être utile :
- d’en parler avec l’enseignant ou le professeur de maths pour préciser ce qui pose le plus problème ;
- de recourir à un soutien ponctuel (aide aux devoirs, professeur particulier, petit groupe), ciblé sur les difficultés identifiées ;
- et, si besoin, sur avis médical ou scolaire, d’envisager des bilans plus poussés.
Deux signaux peuvent alerter :
- une situation qui ne bouge pas malgré des efforts raisonnables et quelques aménagements ;
- une souffrance visible : pleurs fréquents, refus complet de s’y mettre, maux de ventre récurrents avant les contrôles, effondrement de la confiance.
Dans ces cas, demander de l’aide n’est pas un aveu d’échec : c’est une manière de ne pas laisser l’enfant seul face à un sentiment d’impuissance.
Changer la phrase, changer la trajectoire
On ne décide pas qu’un enfant va soudain « adorer les maths ». Mais on peut changer la façon dont on parle de ses difficultés et la manière d’y répondre.
Remplacer :
« Il est nul en maths. »
par :
« En ce moment, il rencontre telles difficultés en maths, et on va chercher comment l’aider sur ces points-là. »
Ce changement de regard, pour les parents comme pour les enseignants, ouvre un espace d’action : on ne juge plus une personne, on accompagne un apprentissage.
Votre enfant ou votre collégien n’a peut-être pas besoin de devenir passionné de mathématiques. Mais il a tout à gagner à ne pas se définir, pour des années, par une seule phrase. La plupart des élèves ne manquent pas de « potentiel en maths » : ils manquent surtout de temps, de bases solides, de confiance, ou d’un environnement qui leur laisse le droit de tâtonner. C’est là que les adultes ont un vrai pouvoir.

